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11 février 2012 6 11 /02 /février /2012 09:03

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Bibliographie:

 

La révolution russe d'Orlando Figes, Folio Histoire, 2009.

 

 

 

 

1°) Un tsar  discrédité.

 

a°) Les défaites militaires et la défiance des généraux.

 

L'armée et l'Etat russes n'étaient pas formatés pour soutenir une guerre contre l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Empire Ottoman. Dès la fin août 1914, à Tannenberg, les armées russes de Samsonov subissent une humiliante défaite de la part des allemands de Von Hindenburg.

L'année 1915, ne sera qu'une longue retraite pour l'armée russe, devant les austro-allemands, obligée de laisser la Pologne à ses ennemis et malgré la réussite des offensives Broussilov, en 1916, la Russie, à la veille de la Révolution de Février, se trouve dans une situation militaire très mauvaise.

Ces défaites ont miné le prestige du tsar, après de la plupart des généraux russes, qui voient dans Nicolas II un monarque faible, dominé par sa femme, l'impératrice Alexandra, et incapable de proposer un renouveau politique pour fédérer les énergies contre l'ennemi allemand ! Lorsque l'insurrection commencera à Petrograd, en février, les généraux lâcheront ce tsar dont ils ne veulent plus.

 

b°) La bourgeoisie contre Nicolas II, l'autocrate.

 

Nicolas II avait toujours refusé une évolution libérale de son régime, à l'anglaise, vers une monarchie parlementaire, malgré les pressions de la bourgeoisie russe et de son entourage familial. Malgré sa réticence à une libéralisation du régime, le tsar, après les événements de janvier 1905, et le funeste "Dimanche Rouge", avait été obligé de lâcher du lest, et avait signé un Manifeste, en octobre 1905, pour une libéralisation politique. Le Parti KD, des constitutionnels-démocrates, emmenés par l'historien Milioukov obtint vite 100 000 adhérents, dont 60 % de nobles et fut rejoint par le Prince Lvov. On retrouvera les deux hommes, douze plus tard, qui vont jouer un rôle éminent après la révolution de Février 1917.

Le Manifeste d'Octobre prévoiyait des élections pour une assemblée consultative, ou Douma, qui est élu au Printemps 1906. Mais dès le début, les deux légitimités vont se heurter, et Stolypine, le nouveau premier ministre du Tsar, va faire dissoudre la Douma, générant un antagonisme entre les bourgeois libéraux et le régime tsariste. La deuxième Douma, sera encore une fois dissoute par le pouvoir et il faudra attendre une loi électorale éliminant les opposants au régime et favorisant les nobles, pour avoir une troisième Douma coopérative, en 1907, avec une majorité de droite nationale, avec l'Union du Peuple Russe.

A la veille de la première guerre mondiale, la bourgeoisie est profondément attaché à une évolution libérale du régime se défie de Nicolas II, tsar autocrate qui a travesti la philosphie du Manifeste d'Octobre 1905.

De plus, la guerre va intimement associer l'Etat russe aux industriels privés, pour la production de guerre, ce qu'Hélène Carrère d'Encausse dans son Nicolas II nommera, "la Révolution Invisible", et qui annoncera la prise de pouvoir future de la bourgeoisie.

 

c°) L'impératrice Alexandra, l'âme damnée du tsar ?

 

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Allemande de naissance, l'impératrice Alexandra Fedorovna, petite-fille de la reine Victoria, va jouer un grand rôle dans le discrédit du tsar. Famille profondément unie, Nicolas II reste très attaché à sa femme et à ses enfants, avec qui il mène une existence bourgeoise. Mais la personnalité de l'impératrice va irrémédiablement s'assombrir, avec la naissance d'un tsareitch, Alexis, atteint d'hémophilie. Désespérée, l'impératrice va s'en remettre à une sorte de gourou-guérisseur, un certain Grigori Raspoutine.

 

rasputin raspoutine

 

Faux moine et vrai charlatan, l'influence de Raspoutine va aller crescendo sur le couple impérial, étant même à l'origine de la nomination des généraux, pendant la Grande Guerre. Car le tsar parti à Moghilev, en 1916, c'est l'impératice et son âme damnée, Raspoutine, qui vont gouverner à Petrograd, faisant et défaisant les carrières et s'opposant, farouchement, à toute évolution libérale du régime, entraînant une exaspération croissante chez les nobles, même de la famille impériale, chez les bourgeois-libéraux et dans le peuple. Lors du discours d'ouverture de la Douma, le 1er novembre 1916, le chef du parti Constitutionnel-Démocrate (KD ou Cadet), Pavel Milioukov accusa le Premier Ministre de l'époque, Boris Stürmer,  un protégé de la tsarine, de trahison au profit de l'Allemagne ! Le tsar fut obligé, devant la fronde des députés de la Douma, de licencier Stürmer, pour le remplacer par le compétent Trepov, qui se fit railler lors de son arrivée à la Douma. En pleine guerre, cette situation inquiétait les alliés de la Russie, qui voyait un Nicolas II ne plus maîtriser le bateau "Russie" !

Même dans la famille impériale, les suppliques au tsar pour faire évoluer le régime et écarter des affaires publiques la tsarine n'avaient aucun écho. Que ce soit le grand-duc libéral Nicolas ou le grand-duc Paul, aucun des deux ne put obtenir la libéralisation du régime ni le départ de l'impératrice qui discréditait l'institution impériale par ses décisions calamiteuses !

Devant l'entêtement du tsar à ne faire aucune concession, la famille complote même contre Nicolas II, pensant à le faire abdiquer, à envoyer la tsarine dans un couvent, et à donner le sceptre impérial au tsarevitch, Alexis, sous la régence du grand-duc Dimitri.

Dans la nuit du 29 au 30 décembre 1916, l'acrimonie de la famille impériale contre la tsarine, se traduisit par l'assassinat de Raspoutine, attiré dans un guet-apens chez le Prince Youssoupoff. L'élimination du favori de la famille impériale traduisait bien le fossé séparant cette dernière à son entourage proche !

 

2°) Un tsar abandonné: les journées de février.

 

a°) Pénurie et froid.

 

La guerre avait profondément bouleversé la vie économique russe. L'Etat avait accès sa production industrielle sur les armements au détriment du reste. Aussi, en cet hiver 1917 exceptionnellement froid, Petrograd fut touché par la pénurie de blé et de combustible. Le 19 février, les autorités de la capitale établirent le rationnement.

 

b°) 23 février 1917, les ménagères veulent du pain !


Le 23 février, les températures remontèrent et furent printanières, et une foule de ménagères descendit dans la rue, le matin, pour exprimer leur mécontentement devant la pénurie de pain. C'était aussi la Journée Internationale de la femme, et la perspective Nevski se remplissait de femmes demandant l'égalité des droits.

L'après-midi, l'atmosphère fut moins bon enfant, car les ouvrières des usines textiles de Vyborg se mirent en grève, et, accompagnées par les ouvriers des usines métallurgiques, vinrent manifester au centre-ville.

100 000 personnes se massaient autour de la Douma, en fin d'après-midi, mais le gouvernement ne réagit pas.

Le lendemain, devant la passivité des forces de l'ordre, des pillages de magasins commencèrent et des ouvriers submergèrent de maigres troupes de cosaques, au pont de Liteni, reliant le quartier industriel de Vyborg au centre-ville.

 

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Le 25 février, la foule grossit encore, dans les rues du centre-ville, et les slogans politiques, totalement absents des deux jours précédents, s'entendent.

 

c°) Le rôle mineur des partis socialistes dans les journées de février.

 

Il fut très faible. Les partis socialistes ne virent pas venir la révolution de Février, il faut dire que beaucoup des chefs politiques socialistes vivaient en exil. Le menchevik Nicolas Soukhanov parlait de "désordres et non de révolution" et le bolchevik Chliapnikov, se rit de l'idée qu'on avait à faire à une révolution !

De même, les effectifs des militants des partis menchenviks, bolcheviks ou Socialistes révolutionnaires restaient numériquement faibles, en février 1917.

 

d°) La soldatesque pactise avec le peuple.

 

Le tsar, à Moghilev, sur le front, est mal informé de la réalité des événements, par son ministre de l'Intérieur, Protopopov, favori de l'impératrice et notoirement incompétent. Il ordonne alors au chef du district militaire de Petrograd, le général Khabalov, de réprimer les manifestations.

Le 26 février, le régiment Semenovski tire sur la foule, mais d'autres régiments se mutinent, comme les régiments Pavlovski et Volynski. Mais ce fut la défection d'une compagnie du régiment Preobrajenski, de la Garde Impériale, sous l'action de Fedor Linde (1881-1917) , héros oublié de la Révolution de Février, qui fut décisif, et fit basculer la garnison de Petrograd.

 

e°) L'abdication du Tsar.

 

Nicolas II, inconscient des événements de Petrograd, se décide, sous la pression de l'impératrice, à revenir dans la capitale. Il n'y arrivera jamais ! Les militaires ont fait dévier le train impérial à Pskov. Là, le 2 mars, deux représentants de la Douma, l'octobriste Goutchkhov et Choulguine, pressent le tsar à abdiquer en faveur de son fils, le tsarevich Alexis, sous la régence du grand-duc Michel.

Mais le coup de grâce viendra des généraux et de l'armée. Le général Alexeiev, chef de l'état-major,

 

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est persuadé que le renouveau militaire de la Russie , passe par l'abdication de Nicolas II, tsar faible soumis au bon vouloir de l'impératrice. Rassuré par la Douma que le nouveau gouvernement provisoire serait contrôlé par le parti Constitutionnel-Démocrate, et non par les socialistes, le général décide d'obtenir du Tsar son adbication. Le 2 mars, le général Rousski apporte à Nicolas II, les desideratas de ses chefs militaires, favorables à son abdication. Le Tsar, qui fut toujours très attaché à l'institution militaire, lâché par ses généraux, décide d'abdiquer pour lui et pour son fils, en nommant comme successeur le grand-duc Michel. La séculaire dynastie des Romanov a perdu le pouvoir en trois jours, sans combat, lâchée par la bourgeoisie, la noblesse et l'armée !

La révolution de Février fut autant une insurrection populaire qu'une révolution par "le haut".

Le grand-duc Michel, peu porté sur les affaires publiques et sur l'étiquette, refusa la couronne impériale. La monarchie russe s'éteignait donc, pour laisser place à un régime parlementaire bancal, qui ne devait durer que quelques mois.

 

Un QUIZZ pour réviser la révolution de Février.

 



 


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