I. L'information et le spectacle en continue.
a°) Le village global.
Aujourd'hui, avec nos centaines de chaînes de télévision, les milliers de radios, et l'accès à Internet, nous vivons dans un flot continue d'informations diverses et variées qui nous viennent du monde entier et qui font de notre terre, selon l'expression du sociologue Marshall McLuhan, un "village global". Je peux savoir, en un clic, ce qui se passe au Canada ou au Congo ou dans la ville de Tataouine-les-Bains !
Contrairement à ce qu'affirme les "théoriciens du complot", qui nous rabachent, à longueur de journée, qu'on nous cache tout, l'univers médiatique actuel ressemblerait plutôt au panoptique (= prison où tout le monde voit tout le monde) de Jeremy Bentham, où des peines de coeur de Nicolas Sarkozy avec Cécilia à la couleur du slip d'un people, en passant par les turpitudes érotiques de tel homme politique, sont connues de tous. La moindre parcelle de vie privée est aujourd'hui traquée, laissant la portion congrue à l'intimité.
b°) De deux à 500 chaînes : la liberté de choix.
De deux chaînes dans les années 60, à 3, dans les années 70, la télévision, à partir des années 80, a connu une explosion du nombre des chaînes. En 1984, une première chaîne privée (= chaîne TV qui n'est plus financée par l'argent des contribuables, via la redevance TV, mais par la publicité ou un abonnement payant) voit le jour, avec Canal +, puis ça sera la chaîne M6 et l'arrivée des chaînes satellitaires, pour finir avec les chaînes gratuites de la TNT, en 2006, le téléspectateur disposera d'une infinité de chaînes, gratuites et surtout payantes.
Désormais, le télespectateur n'est plus lié aux programmes d'une chaîne généraliste, il peut faire son marché audiovisuel parmi des chaînes thématiques qui sont spécialisées dans le cinéma (TCM, Ciné ...), dans le sport (Eurosport, Canal+ sport, etc ...), dans les séries (Séries TV ...), dans l'information en continue (LCI, BFM), dans le documentaire (Planète, La chaîne Histoire, etc ...).
De plus, le pôle du service public a élargi son offre, avec une chaîne culturelle (Arte), des autres spécialisées dans le documentaire avec France 5, la politique (LCP) ou les DOM-TOM (France Ô).
Cette grande variété des chaînes, premet à chacun de regarder ce qu'il veut.
c°) Une censure désormais impossible ?
# Des acteurs médiatiques mondiaux.
La particularité de notre système médiatique actuel, est qu'il est devenu quasi-incontrôlable. Autant les pouvoirs politiques pouvaient contrôler aisément, les télévisions publiques et les radios d'antan, autant, aujourd'hui, avec la multiplication des chaînes satellitaires, nous pouvons regarder des programmes venant du monde entier, des Etats-unis à la Russie, en passant par le monde arabe, avec la chaîne d'information Al-Jazeera. Nous avons donc la possibilité d'avoir plusieurs points de vue concernant un même événement, diversité qui permet une meilleure objectivité.
# La coupure entre le politique et les médias publics.
Dans les années 60, il n'y avait que deux chaînes de télévision, contrôlées par l'Etat français, via le ministère de l'Information, jusqu'en 1969. Puis, en 1982, les socialistes voulurent couper le cordon ombilical entre le pouvoir et les médias publics en créant la Haute Autorité de l'Audiovisuel public, censée garantir l'indépendance de la télévision et de la radio. En 1986, avec l'arrivée de Jacques Chirac comme Premier Ministre, elle se transformera en CNCL, jusqu'en 1989, pour, enfin, prendre la forme du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel. 9 membres composent cette commission, renouvelés par tiers tous les trois ans, et nommés par le Président de la République, le président de l'Assemblée Nationale et le président du Sénat.
Si certains stigmatisent (= critiquent) la fonction d'arbitre de cette commission, il n'en reste pas moins que cette commission aura emmené plus de liberté et moins de sujétion des chaînes publiques au pouvoir politique, qui, rappelons nous, dépendaient du ministre de l'Information, jusqu'en 1969.
# Internet, de l'information verticale à l'horizontalité des réseaux sociaux.
L'irruption d'internet, au début des années 2000, a profondément bouleversé le paysage médiatique mondial. En effet, les médias traditionnels (TV, radio, presse écrite) fonctionnaient sur un modèle vertical, où l'information nous était donnée par une caste de journalistes professionnels, médiateurs obligés entre le réel et le citoyen, comme le prêtre catholique l'était entre le croyant et Dieu.
La révolution internet comme la réforme protestante, va remettre en cause ce fonctionnement vertical, en donnant le pouvoir aux internautes (comme la réforme l'avait donné aux croyants, désormais seuls face à leur Dieu), qui par le biais des réseaux sociaux (facebook, twitter), des blogs ou des sites web, vont pouvoir commenter eux-mêmes l'actualité, sans passer par la médiation d'un journaliste professionnel.
# Nous sommes tous des journalistes.
Aujourd'hui, internet, couplé avec la généralisation des technologies nomades (Iphone, Ipad), permettent à n'importe quel quidam de photographier ou de filmer, un événement dans le monde et le mettre dans l'heure qui suit sur You Tube ou Facebook, à l'insu des pouvoirs en place et avec une facilité déconcertante. Le caméscope avait joué ce rôle, il y a quelques années, mais avec moins d'aisance.
Les révolutions arabes, en 2011, furent alimentées par cette liberté des technologies nomades qui ont pu cimenter les manifestants entre eux et montrer au monde la réalité de ces manifestations, face à des pouvoirs incapables de censurer ou de contrôler ce flux d'informations. L'économie d'un pays est tellement dépendante de ces nouvelles technologies, qu'il est impossible à un pays, fut-il une dictature, de couper complètement ces flux d'informations, sous peine d'effondrement.
En France, en 2005, lors de la campagne du référendum pour le Traité Constitutionnel Européen (TCE), Etienne Chouard, un obscur professeur de lycée, partisan du non, a fait un carton avec son blog qui fut consulté par des millions de citoyens français, portant haut la contestation à ce TCE qui était soutenu par les médias mainstream. (= les médias officiels, comme TF1, France 2 pour la TV, ou Le Monde et le Figaro pour la presse écrite.).
II.Des médias manipulés ?
Beaucoup d'intellectuels ou de militants politiques stigmatisent le discours médiatique, accusé de manipuler les esprits, d'appauvrir les contenus proposés ou de ne participer qu'au consumérisme ambiant.
a°) Le contrôle des médias par les puissances d'argent.
Si les télévisions et les radios du service public sont à l'abri des puissances d'argent, il n'en est pas de même pour les télévisions privées, qui demandent des investissements très lourds et donc dépendent de grands groupes multinationaux comme TF1, contrôlé par le groupe Bouygues, et sont financées par la publicité, et donc dépendant d'annonceurs privés.
Depuis l'irruption d'internet, on peut aussi constater la baisse d'audience des journaux d'informations politiques et générales comme Le Monde, le Figaro, Libération ou L'Humanité, qui ont tous perdu des lecteurs et qui sont dans un équilibre financier très précaire.
Cette crise du lectorat génère une dépendance de plus en plus forte de ces journaux écrits au puissance d'argent, puisque Libération a été racheté en partie par Edouard de Rotschild, une grande fortune française, en 2005.
Le groupe Le Monde connaît aussi des difficultés financières très graves et sera racheté, en partie, par le milliardaire français Pierre Bergé et le patron de Free, Xavier Niel.
Cette consanguinité entre les médias et le grand capital, fait dire à certains que les premiers sont manipulés par les puissances d'argent pour promouvoir une idéologie libérale. C'est la thèse du journaliste du Monde Diplomatique, Serge Halimi, dans Les nouveaux chiens de garde, en 1997, qui met l'accent sur la proximité des journalistes vedettes avec des grands patrons.
Mais si la critique de Serge Halimi est, par certains côtés, assez juste, elle est un peu trop manichéenne (= vision binaire du monde divisé en bons et en méchants), faisant de tous journalistes non-marxistes, des vendus au grand capital. Or, certains journaux comme Marianne, qui se proclame républicains, ne sont pas financés par les puissances d'argent. De plus, certaines rédactions ne sont pas désignées par l'actionnaire, mais par les journalistes, comme au Monde, limitant l'influence des patrons sur leurs journalistes.
Il existe aussi, en France, un service public qui dépend de la redevance audiovisuelle et ne dépend pas des puissances d'argent.
Enfin, Halimi a écrit son opus avant l'irruption d'internet, qui a changé la donne, en permettant à beaucoup de mouvements minoritaires passant peu à la télévision, d'avoir une exposition sur internet, comme les alter-mondialistes et les anti-capitalistes sur des sites comme Bellaciao ou Le Grand Soir.
Il est toujours difficile de juger de la qualité d'un système médiatique, puisque les oppositions au pouvoir en place ou au système, mettront toujours sur le dos des médias leur faiblesse numérique. Par contre, on peut légitimement reconnaître que la multiplication des médias ne peut qu'améliorer la perception des informations.
En définitive, même si le système médiatique actuel est imparfait, la multiplicité des médias et la concurrence acharnée de ceux-ci, garantissent une objectivité de l'information supérieure aujourd'hui que par le passé.
b°) La télévision, l'opium du peuple ?
Beaucoup d'intellectuels stigmatisent (=condamnent) l'appauvrissement des programmes télévisuels et l'irruption de la TV réalité, dont l'objectif est de flatter le voyeurisme des téléspectateurs en filmant les tensions entre individus isolés dans un espace clôs. C'est M6, avec son programme Loft Story, qui a lancé cette mode, qui a fait des petits, par la suite, avec La Ferme des célébrités, Koh Lanta, ou autres Greg, le millionnaire, programmes qui ne brillent pas par leur intelligence et qui font de quelques français moyens en mal de reconnaissance des héros sans lendemains !
La vacuité de ces programmes est incarnée par le personnage de Mickael Vendetta, produit phare de cette télé réalité !