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22 mai 2013 3 22 /05 /mai /2013 17:55

Réflexions sur la violence est le titre d'un livre de Georges Sorel, qui voyait dans la violence, syndicale ou guerrière, le moyen de faire la révolution socialiste pour renverser l'ordre capitaliste. 

 

I°) Nature et formes de la violence.

 

1°) La violence, un corollaire à la nature humaine ?

 

a°) La violence naturelle.


L'homme fait partie de l'ordre des mammifères, et nous pouvons remarquer que les animaux utilisent la violence pour se nourrir et pour se reproduire. Le zoologiste Konrad Lorenz a développé une "théorie de l'agression" qui dominerait les mammifères.

La théorie de l'homme naturellement bon, chez Rousseau, a été remis en cause par certains anthropologues qui en étudiant des sociétés primitives, ont découvert une violence qui s'exerçait, comme chez les mammifères, contre l'extérieur pour préserver la survie du groupe. 

 

b°) La violence fondatrice.

 

La violence est très présente dans les récits mythologiques, où les guerres et les meurtres sont légions. Romulus, en fondant la cité de Rome, en -753 avant Jésus-Christ, tua son frère Remus, comme si la civilisation qu'incarnait la cité ne pouvait naître que par la violence.

Les récits bibliques sont aussi remplis d'histoires violentes, de meurtres et de guerre, comme le Dieu des juifs qui demanda à Abraham de tuer son fils Isaac pour lui prouver son attachement.

 

2°) Les formes de violence.

 

Elle sont multiples. La violence physique, qui se sert de la force pour contraindre, la violence sexuelle, qui viole et oblige une personne à avoir un rapport sexuel non consenti, la violence domestique, du mari sur sa femme et ses enfants, la violence morale, qui harcèle, la violence économique, qui licencie, la violence étatique, qui réprime l'individu et fait la guerre, la violence politique, qui tue des opposants, la violence se décline donc à l'infini et prend plusieurs visages.

Le philosophe Hobbes qui pensait que "l'homme était un loup pour l'homme", affirmait que l'Etat disposait du "monopole de la violence légitime", seul autorisé à faire usage de la violence pour faire respecter les lois intérieures et protéger la collectivité des menaces extérieures. La répression policière et la guerre armée sont les deux formes de cette violence d'Etat, qui peut être plus ou moins forte selon les époques et les régimes.

Toutefois, la violence étatique et politique furent les plus mortelles du siècle dernier, avec deux guerres mondiales qui ont fait 70 millions de morts, et des massacres perpétrés par des régimes politiques totalitaires de l'hitlérisme aux Khmers rouges en passant par le stalinisme.

Dans Orange Mécanique, Stanley Kubrick navigue entre cette violence individuelle et cette violence d'Etat, la seconde encadrant la première dans des organisations militaires. Mais comme le disait Jean Rostand:

"On tue un homme, on est un assassin. On tue des millions d'hommes, on est un conquérant.",

illustrant le paradoxe de la violence, illégitime et condamnable quand elle est singulière, légitime et souhaitable, lorsqu'elle est étatique.

 

II. Les causes de la violence.

 

1°) Des causes naturelles.

 

Si nous regardons nos lointains cousins animaux vivre, nous remarquons que la violence fait partie de leur existence, pour manger et se reproduire. Cela signifierait que la violence est en nous, de manière naturelle, et qu'elle serait la manifestation d'une volonté de survie.

Freud, dans Malaise dans la civilisation, parlait d'une pulsion de mort, chez les individus, vouée à la destruction d'autrui, qui s'opposait à la pulsion de vie.

Le criminologue Cesare Lombroso parlait du "criminel né", et à l'ère de la génétique, les biologistes essaient d'isoler les gènes de la violence. Mais cette essentialisation de la violence est porteuse de dérives périlleuses, puisque accepter le déterminisme génétique dans la manifestation de la violence, condamnerait l'individu à ne pas être réformable par l'éducation et la culture.

 

2°) Des causes socio-économiques.

 

Pour Jean-Jacques Rousseau, "l'homme est naturellement bon, c'est la société qui le déprave". La violence naîtrait donc de la mauvaise organisation de la société, qui produirait des inégalités et des injustices et elle serait d'origine culturelle et non naturelle. Ce mythe du "bon sauvage" s'est développé au 18eme siècle, opposant l'état de nature, proche du paradis, à la société des hommes, injuste et inégalitaire, productrice de frustrations et de violence.

Karl Marx parlait de la violence de l'exploitation capitaliste, qui exploitait le prolétariat pour nourrir le bourgeois de la plue-value du travail ouvrier et Proudhon stigmatisait la propriété, qu'il considérait comme un vol.

La délinquance économique, le vol, ont souvent pour cause principale la pauvreté et les inégalités sociales qui caractérisent nos sociétés. La société industrielle, si elle a enrichi la population, a aussi crée beaucoup d'inégalités sociales, exacerbées par la crise économique. La société de consommation réclame d'avoir de l'argent, pour jouir de ses bienfaits matériels et crée, mécaniquement, de la frustration, pour ceux qui n'en ont pas. La violence serait donc une des conséquences de ces inégalités socio-économiques et les prisons sont remplies des fils de la classe ouvrière paupérisée (=appauvrie), qui n'ont pu avoir accès à la société d'opulence par des moyens légaux.

 

3°) Des causes politiques.

 

L'anarchiste Sergei Netchaiev en appelait à la violence pour détruire l'Etat bourgeois, exploiteur des peuples. Certains considèrent le russe, comme le premier théoricien du terrorisme, qui exposa ses théories dans son "Catéchisme révolutionnaire" où le recours à la violence était rendu nécessaire pour abattre l'état oppresseur.

Le russe influencera les révolutionnaires de tous les pays,  et notamment Lénine et les bolcheviks, qui instituèrent une dictature sur le prolétariat, en Russie, et firent de la Tcheka, le bras armé de leur politique. Trotsky, dans Terrorisme et communisme, absoudra cette terreur rouge, nécessaire pour contrer la terreur blanche. Mais la violence politique perdurera, après la guerre civile, pour conforter le pouvoir de Staline, qui l'institua comme un moyen de gouvernement.

La violence pouvait être considérée, en soi, comme un vecteur de changement, une nécessité passagère pour détruire le monde ancien et accoucher d'un monde nouveau suivant le principe que "la fin justifie les moyens". Avec sa "révolution culturelle", Mao Tsé-Toung déchaîna la violence des gardes rouges contre les pouvoirs institués et les représentants du passé, pour forger l'homme nouveau tendu vers l'horizon communiste. Ce fut, aussi, la logique folle et génocidaire des Khmers rouges, qui voyaient dans la violence, un moyen d'accoucher d'une société nouvelle.

 

Chez les fascistes et les nazis, la violence était une attitude positive, incarnant les valeurs du guerrier et exprimant la noblesse de la guerre. La violence politique était un moyen de gouvernement, en éliminant les opposants politiques.

Certains intellectuels comme Karl Kautsky voyaient dans toute révolution, un déchaînement de terreur sans fin qui finissait toujours mal. Les résultats de la révolution française, avec la terreur robespierriste, de la révolution bolchevik, avec le goulag stalinien ou les carnages de la révolution khmère, semblent donner raison au pape du marxisme qui embrassera le socialisme réformiste (=volonté de réformer la société en douceur, en participant à l'exercice du pouvoir), rejetant la dictature du prolétariat comme étant la dictature d'une minorité sur la majorité.

 

De manière plus actuelle, la violence des islamistes radicaux plonge ses racines dans les enseignements de Sayyed Qutb, théoricien du recours au terrorisme contre le tyran.

 

4°) La mise en scène de la violence.

 

L'instrumentalisation de la violence par les médias, la télévision, le cinéma, les jeux vidéos est montré du doigt par certains sociologues pour expliquer la délinquance des jeunes. En 1963, le psychologue Albert Bandura incrimainait le pouvoir criminogène des images. En 1996, le film d'Oliver Stone, Tueurs nés, est accusé d'avoir provoquer un crime réel. Le pouvoir maléfique des images fut repris lors de la tuerie de Columbine, en 1999, les jeux vidéos violents ( Doom et Wolfenstein) étant accusés d'avoir provoqué le carnage en influençant deux adolescents/tueurs psychologiquement fragiles.

La multiplication des programmes violents, à la télévision et la violence au cinéma, fait craindre une banalisation de la violence, chez les jeunes et produit des antihéros populaires qui symbolisent l'ascenceur social et l'accès à l'opulence, comme le Scarface, joué par Al Pacino, idôle crapuleuse de beaucoup de jeunes des cités.

 


III.Vaincre la violence.

 

III.Lutter contre la violence.

 

1°) L'action de l'école et du sport.

 

La violence commence lorsque les mots se tarissent. Savoir lire, écrire, s'exprimer, argumenter, permet de faire la guerre avec les "mots" et non plus avec les poings et les armes.

De même, les activités sportives peuvent être un dérivatif à la violence, en ayant une action cathartique. Certains sports de combat codifient la violence pour la rendre mois létale (=mortelle) et, dans les arts martiaux, dispensent une philosophie de contrôle de soi.

 

2°) L'action politique.

 

Les états modernes, après la seconde guerre mondiale, ont crée l'Organisation des Nations Unies pour régler, de manière diplomatique, des problèmes entre deux ou plusieurs Etats. Or si la mortalité des conflits durant la guerre froide a drastiquement baissé, par rapport aux deux guerres mondiales, il n'en reste pas moins que les conflits existent et que certains continents, comme l'Afrique, en sont les victimes principales, illustrant la difficulté pour l'ONU d'effectuer sa mission.

Nous pouvons constater que des institutions comme l'Union Européenne, qui a rapproché les états européens, a permis d'éliminer les conflits du continent européen, excepté le drame yougoslave, dans les années 90, fruit de la désintégratoin du bloc soviétique.

 

3°) La répression.

 

En dernier ressort, les états répriment les comportements violents par des lois pénales, enfermant en prison ou dans les hôpitaux psychiatriques, les individus qui font usage d'une trop grande violence. En 2012, le nombre de prisonniers en France a atteint un record historique, avec 67 373 personnes incarcérées. Mais l'emprisonnement n'est pas une solution miracle pour éviter les comportements violents. Les pays qui emprisonnent le plus, comme les USA ou la Russie, avec, respectivement, 737 et 606 prisonniers pour 100 000 habitants (88 en France), sont aussi des pays où le nombre d'homicides est très élevé (la Russie et les USA sont dans le Top 5 des pays les plus violents), preuve que l'enfermement ne règle pas ce problème et que la solution se trouve plutôt dans l'accès à l'école et au niveau de la réduction de la pauvreté et des inégalités sociales.

 


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18 décembre 2012 2 18 /12 /décembre /2012 17:40

La culture humaine fut d'abord religieuse, sur tous les continents et à toutes les époques du passé. Il faudra attendre le "miracle grec", expression forgée par Ernest Renan, au Veme siècle avant J.C, pour voir la naissance de la philosophie, qui se donnait pour objectif d'expliquer le monde, non pas par des mythes religieux, mais par la puissance de la raison, donnant naissance au courant matérialiste, avec Démocrite, qui contenait, en son sein, la future sécularisation du monde. Mais le monde grec était encore profondément baigné de pensée religieuse puisque Socrate, accusé d'impiété, dut boire la cigüe. L'Empire romain s'inspira largement de l'héritage culturel grec, recyclant le panthéon des dieux de l'Olympe et  marqua profondément les territoires conquis , donnant, chez nous, une culture gallo-romaine  métissage entre l'héritage gréco-romain et la culture barbare. Se voulant universel, Rome par l'édit de Caracalla, en 212 après J.C, fit citoyen romain tout homme libre habitant l'Empire, consacrant le "melting-pot" impérial. 

 Par l'édit de Milan, en 313 après J.C, l'empereur Constantin permit aux chrétiens d'exercer leur culte et se convertit au christianisme, annonçant la primauté de la culture chrétienne sur l'Occident, malgré la chute de Rome, en 476 après J.C. L'Eglise, alors seule administration qui maillait le territoire ouest-européen, dans l'anarchie ambiante, imposa la religion chrétienne à des rois barbares intéressés par l'aide de ce puissant allié, qui gouvernait les esprits et les hommes, dans ces vastes territoires. Mais le message chrétien contenait, en lui, la future sécularisation du monde, car il fallait rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui revient à Dieu,  expression prononcée par Jésus devant les pharisiens et l'évêque d'Hippone, Saint-Augustin, créateur du libre-arbitre, avait déjà distingué la cité des hommes de la cité de DieuMais cette sécularisation du monde allait prendre 2000 ans !!

 

I.De la culture sacrée à la culture profane.

 


Le moyen-âge fut empreint d'une grande religiosité, mais la réforme grégorienne, qui s'étala du 11eme au 12eme siècle, allait poser les conditions d'une future sécularisation du monde.

 


A°) La réforme grégorienne ou la distinction de l'espace sacré de l'espace profane.

 

La réforme grégorienne, qui dura deux siècles, même si elle a été rattachée au pape Grégoire VII, s'attacha à renforcer l'administration ecclésiale par rapport au pouvoir civil, et à délimiter l'espace sacré de l'espace profane, dans tous les aspects de la société, qu'ils soient immobilier ou juridique. En séparant les deux espaces, sacré et civil, cette réforme permettait l'émergence d'une société civile, qui se dégagera, progressivement, de sa gangue religieuse.

 

B°) La redécouverte des auteurs antiques.

 

C'est à Tolède que les commentaires des savants musulmans sur les auteurs antiques attirent des clercs de tout l'Occident. Un Daniel de Morley ou un Gérard de Crémone apprennent même l'arabe pour suivre l'enseignement des maîtres du quadrivium,  et traduisent les textes en latin. Ces "intellectuels", comme les nomme Jacques Le Goff,  seront à l'origine de la Renaissance du XIIeme siècle.

 

C°) L'Humanisme ou le nouveau Prométhée.

 

Le mouvement humaniste du 14eme siècle fut le résultat de la réforme grégorienne et de cet héritage antique, transmis par les savants d'Al-Andalus et repris par ces clercs européens. Ce nouvel esprit qui soufflait sur l'Occident chrétien, qui faisait de "l'homme, selon la formule de Protagoras, la mesure de toute chose", renversant le paradigme de la Chute, et consacrant l'homme comme l'égal de Dieu, se retrouvait dans l'élégant tableau de Jan van Eyck, Les époux Arnolfini (1434), tableau sans aucune référence religieuse, qui décrivait l'intérieur d'un couple de marchand vénitien, à Bruges.

 


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La précision des détails et la magnificence des couleurs vient de l'utilisation de la peinture à l'huile, rare, à cette époque où les peintres peignaient "a tempera", une peinture à base d'eau.

A noter qu'en 1433, dans L'homme au turban rouge

 

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Van Eyck fera son autoportrait, un des  premiers de l'histoire de la peinture occidentale, preuve que l'individualisme faisait son chemin et que les mentalités évoluaient.

 

70 ans avant la réforme protestante, alors que les peintres italiens sortaient à peine du style "gothique international", avec ses anges musiciens et ses "madonne", le flamand van Eyck peignait un double mouvement qui frappait la Flandres, la sécularisation du monde et la montée en puissance de la bourgeoisie marchande. Emergence déjà certifiée 80 ans plus tôt, dans le royaume de France, alors ravagé par la guerre de cent ans, par le défi d'Etienne Marcel, le prévôt des marchands parisiens, fait au dauphin, le futur Charles V, en faisant massacrer, en sa présence, le 22 février 1358, deux de ses maréchaux.

80 ans plus tard, Quentin Metsys évoquera l'irrésistible ascension des banquiers, dans Le prêteur et sa femme, dans une scénographie encore dépourvue de thématique religieuse.

 


metsys banque bank dsk 

 

En France, Michel de Montaigne, dans ses Essais, n'aura d'autres projets que de se peindre soi-même, de faire son portrait et non de parler de Dieu, ce qui illustrait bien l'émergence de l'individu et préfigurait le futur individualisme.

D°) De la Cène au repas de noce.

Les artistes ne se contentent plus de figer les figures de l'autorité, religieuse ou politique et si Léonard de Vinci représente la Cène (1498), 

 

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Peter Brueghel l'Ancien, 60 ans plus tard, nous peint une scène d'un "Repas de Noce" (1567),  plus prosaïque, une tablée paysanne qui tranche avec la production du siècle et fait de la vie quoditienne du petit peuple, un motif artistique.

 

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Brueghel, qui a aussi excellé dans la peinture biblique, avec sa célèbre tour de Babel, en vient à traiter des sujets moins reluisants, comme ces Mendiants, éclopés et cul de jatte.

 

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Cette culture d'en bas sera aussi chantée par François Villon, première figure du "poète maudit" qui célèbrera les gueux plutôt que les princes, les pendus plutôt que les vendus,  preuve que l'air du temps commençait à changer.

 

E°) La querelle des anciens et des modernes, deux conceptions de la culture.

La culture se dynamisait, avec le moderne Charles Perrault, qui voulait la nourrir de l'air du temps et qui contestait la conception traditionnelle d'un Boileau, à la fin du 17eme siècle, qui résumait la création artistique à la reproduction des modèles antiques. Cette querelle des Anciens et des Modernes traduisait deux conceptions de la culture, l'une ouverte sur son temps, l'autre repliée sur le passé, l'une s'alimentant dans la culture populaire des contes, l'autre, comme chez Racine, se nourrissant de culture classique.


F°) La philosophie des Lumières ou la sécularisation du politique.

 

Les philosophes des Lumières seront tous les enfants de l'humanisme, sécularisant l'espace politique, comme Rousseau, qui, dans son Contrat social,  voyait les organisations humaines comme le fruit de relations contractuelles et non pas comme des entités mandées par une transcendance céleste, opposant la souveraineté populaire à la légitimité de droit divin. Le mot d'ordre des Lumières serait "Ose savoir", comme Kant, Spinoza et les Encyclopédistes le proclamaient, devise qui, nécessairement, remettait en cause la culture admise pour s'ouvrir vers d'autres horizons.

Ces nouvelles idées seront portées par la Révolution Française et sa Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, puis par la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, en 1905, séparant, définitivement, les registres politique et religieux.

 

G°) De Michel-Ange à Gustave Courbet ou deux visions de la création du monde.

 

Cette sécularisation de la culture éclate dans les visions de la création du monde, celle de Michel-Ange, sur le plafond de la chapelle Sixtine

 


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à l'Origine du monde de Gustave Courbet, en 1866 !

 

 


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II. La culture au service de la Nation.

 

A°) Nation et culture Nationale.

 

La nouvelle nation devait s'appuyer sur le "génie national" pour se forger une nouvelle identité, empruntant des chemins qui incertains. La conception de Fichte, dans son Discours à la Nation allemande, en 1807, sera essentialiste et fermée, puisque la germanité s'appuiera sur une langue commune, l'allemand, sur une même histoire et une même culture. Plus d'un siècle plus tard, Hitler portera cette conception jusqu'à l'absurde. Si en France, Renan, dans son discours à l'Académie française, en 1882, prendra le contre-pied de l'allemand en liant le projet national à une adhésion, dans la réalité, l'état français va instrumentaliser la culture à des fins idéologiques.

 


B°) Le primat de la langue française sur les langues régionales.

 

Si François 1er, avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts, en 1539, avait fait du français la langue de l'administration et de la justice, et si 10 ans plus tard, en 1549, le poète de la Pléiade, Joachim du Bellay clamait son amour de la langue française dans sa Défense et illustration de la langue française,   il fallut attendre la Révolution Française de 1789, pour que le nouvel Etat-Nation voulut imposer le français comme langue d'usage. Les historiens parlèrent même de Terreur linguistique, après le discours, devant la Convention, du jacobin Bertrand Barère de Vieuzac, le 27 janvier 1794:

" La monarchie avait des raisons de ressembler à la tour de Babel ; dans la démocratie, laisser les citoyens ignorants de la langue nationale, incapables de contrôler le pouvoir, c'est trahir la patrie. Chez un peuple libre la langue doit être une et la même pour tous ».

L'abbé Siéyes rajoutera qu'il fallait anéantir les patois et imposer le français comme la langue universelle. A homme nouveau, langue nouvelle, et le citoyen devra s'exprimer dans la langue nationale. La construction du sentiment national passait par l'écrasement des langues locales, censées retarder l'émergence du prométhée hexagonal.

Ce n'est pas un hasard si Frédéric Mistral et d'autres poètes provençaux, en 1854, créèrent le Félibrige pour défendre la langue provençale.

Il faudra attendre la loi Deixonne, en 1951, pour que les langues régionales retrouvent toute leur place dans l'Education Nationale.

 

C°) L'art et le patrimoine au service du génie national.

 

Napoléon qui avait compris l'importance de la propagande, avait mis en scène la réalité de son pouvoir, en se servant du talent du peintre Jacques-Louis David pour créer sa propre légende. Le "surhomme" est en marche !

 

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(Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, 1800)

 

Le génie français avait besoin de supports et c'est dans le patrimoine médiéval qu'Eugène Viollet-le-Duc le verra. C'est par son action que Notre-Dame-de-Paris et la cité de Carcassonne seront réhabilitées, faisant revivre un passé médiéval délaissé par les populations. Pendant fort longtemps, les chateaux-forts servirent plutôt de carrière que de musée ! La notion de patrimoine national apparaît donc dans le sillage de l'Etat-Nation.

 

 

D°) L'instrumentalisation de l'histoire.

Mais c'est surtout dans la construction d'une geste nationale que l'Etat instrumentalisera la culture historique à fin de forger un sentiment national. Le Tour de France par deux enfants sera la bible de l'histoire française pour des générations d'écoliers, avec "nos ancêtres les gaulois" qui sera même répétée par les petits africains ! On y apprenait les grandes figures de l'histoire française, la division de la population mondiale en 4 races, et l'oeuvre civilisatrice de la colonisation française. 

Le paradoxe de cette IIIeme République s'incarnera dans la figure de Jules Ferry, père de l'instruction publique et surnommé le Tonkinois, pour avoir initié et légitimé la colonisation.

Cette construction d'une histoire nationale était le corollaire de l'Etat-Nation, hégémonique et belliqueux, qui devait forger le sentiment national des futurs soldats. Même le jeune Arthur Rimbaud voulut s'engager dans la Garde Nationale pour laver l'affront de Sedan, en 1870, preuve de la prégnance de cette culture nationaliste.

Cette culture au service de l'Etat atteindra son zénith avec les régimes totalitaires de la première moitié du 20eme siècle, du nazisme au stalinisme, avec l'art au service exclusif d'une idéologie.

Plus généralement, selon la conception marxiste, la culture institutionnelle n'est que le reflet des rapports de classe et dans un Etat bourgeois, la culture s'assimile à de la propagande. Antonio Gramsci avait parlé d'hégémonie culturelle qui participe au consentement des prolétaires à la civilisation bourgoise, alors que les tenants de l'Ecole de Francfort évoquait les industries culturelles. Pour Théodor Adorno et Max Horkheimer, dans La dialectique de la raison, les industries culturelles en diffusant une culture de masse, tendent à uniformiser les modes de vie dans une logique économique.

 

E°) L'émergence des cultures d'en-bas.

 

Le 19eme prend aussi les couleurs d'un naturalisme inédit, avec un Jean-François Millet qui évoque cette France paysanne, si longtemps oubliée, toujours imprégnée de cette culture du sacré, comme dans L'Angelus.

 


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Balzac, dans sa Comédie Humaine, avait narré avec un souci quasi-sociologique, cette France paysanne et petite-bourgeoise du début du 19eme siècle puis ce fut Emile Zola, dans sa saga des Rougon-Macquart, vaste fresque du petit peuple sous le Second Empire, qui évoqua cette culture ouvrière, au travers de livre emblématique comme L'Assomoir ou Germinal, monde laborieux trop longtemps tu.

 

F°)  Vers une autonomie de la culture ?

 

Il n'en reste pas moins que ce 19eme vit aussi une modernité nouvelle, notamment en peinture et un début de séparation entre l'art et l'Etat. C'est Napoleon III qui fit organiser le célèbre Salon des refusés (1863), par l'Académie des Beaux-Arts, et c'est le même Jules Ferry qui donna leur liberté aux artistes, dans un fameux discours de 1881.

 

III.De la culture aux cultures.

 

A°) La remise en cause des cultures institutionnelles.

 

La découverte des Arts Premiers qui influença le cubisme et plus particulièrement Picasso dans ses Demoiselles d'Avignon (1907), avec ce visage inspiré d'un masque africain, le travail des ethnologues comme Marcel Mauss ou Claude Levi-Strauss firent découvrir de nouveaux continents humains avec un rapport au monde et une culture bien différente de la nôtre. Chez les peuples colonisés il y aura Léopold Sedar Senghor et Aimé Césaire qui réhabiliteront cette culture africaine et créole combattue par le colonisateur.

Cette affirmation culturelle des peuples opprimés se fit dans la douleur des guerres coloniales, et un Frantz Fanon stigmatisera dans son Peau noire, Masques blancs, l'hégémonie culturelle occidentale qui aliéna les masses colonisées.

 

B°) Histoire institutionnelle et histoire populaire.

 


Sous l'action de l'Ecole des Annales, des historiens comme Fernand Braudel ou Emmanuel Leroy-Ladurie nous font redécouvrir cette histoire d'en-bas, sociale et paysanne, faites de petits ruisseaux qui ont alimenté le fleuve de la grande histoire, comme dans Montaillou, village occitan

 


C°) La réhabilitation des cultures régionales.

 


L'Etat jacobin français lutta contre les cultures régionales qui empêchaient la formation de la nation française. Il fallut attendre la loi Deixonne, en 1951, pour que 4 langues régionales soient à nouveau autorisées et enseignées à l'Ecole, la loi Haby de 1975 parachevant le travail. Des écrivains comme Pierre-Jakez Helias, Marcel Pagnol ou Jean Giono firent ressurgir ces cultures régionales. Aujourd'hui, notamment dans la gastronomie, les appelations de terroir font fureur, et les musiques locales ont beaucoup de succès, comme les polyphonies corses ou la chanson celtique.

La loi Defferre sur la  décentralisation, en 1982, redonna un pouvoir politique à des régions qui en étaient bien démunies.

Mais les mouvements régionaux ne sont pas exempts de toutes dérives nationalistes, comme au Pays Basque ou en Corse. Le père du nationalisme basque, Sabino Arana Goiri était accusé de racisme et certains mouvements bretons, comme le Brezen Perrot, ont collaboré avec les nazis durant la guerre par haine anti-française.

 

D°) Culture de classe, culture générationnelle.

 


Les mutations initiées par les révolutions industrielles vont faire émerger de nouvelles classes sociales, la classe des salariés et plus particulièrement des ouvriers. Les bals populaires, l'apéritif au café, le football, le cyclisme vont être les marqueurs de cette nouvelle culture ouvrière structurée par des associations et des organisations politiques, qui se voulait humaniste et solidaire. Cette culture-là se dissout aujourd'hui dans la désindustrialisation qui frappe les pays occidentaux et dans la disparition de métiers qui avaient une forte identité. Le réalisateur marseillais Robert Guédiguian évoque cette culture qui se meurt dans ce quartier de l'Estaque parsemé de friches industrielles. 

Si la culture ouvrière disparaît, la culture "jeune" se porte bien. Née durant les "Trente Glorieuses" et l'enrichissement de l'Occident, synonyme d'argent de poche pour les jeunes et d'accès aux études supérieures,  elle eût ses icones avec James Dean

 

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et Elvis Presley, dans les années 50, aux USA, en France avec "Salut les copains" et les Yéyés, s'articulant autour des produits culturels comme le disque, la radio, le cinéma et la télévision. On peut voir les événements de Mai 68 comme l'expression des revendications de cette jeunesse qui en avait marre de la morale désuète gaullienne et voulait plus de liberté.

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La culture "jeune" peut être perçue comme un désir individualiste et épicurien de profiter de la nouvelle opulence donnée par la société de consommation et de jouir de nouveaux droits individuels, en s'appuyant sur le slogan "il est interdit d'interdire". La liberté sexuelle sera un des nouveaux étendards de cette jeune génération qui s'épuisera dans l'antienne: "Faites l'amour, pas la guerre". Un autre versant de cette culture juvénile s'inscrira dans le mouvement Hippie, qui ajoutera à cette revendication de liberté, un refus de la société de consommation. Le Festival de Woostock, en 1969 sera le zénith musical de ce mouvement "peace and love", 

 

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et se focalisera dans le combat contre l'extension d'un camp  militaire, dans le Larzac, dans les années 70.

Nous pouvons noter, aussi, avec l'allongement de l'espérance de vie, de l'apparition d'une culture "troisième âge", qui s'articule autour des associations, des Universités du Temps Libre et des voyages organisés. Certains arts, comme le dessin et la peinture sont très appréciés de nos retraités. Ce poids grandissant des retraités dans nos sociétés a des conséquences dans tous les domaines de la société.

 

 

 

E°) Du haut vers le bas, la démocratisation de la culture institutionnelle.

 

Le nombre de musées, en France, a explosé, avec 35 musées nationaux et 1200 musées provinciaux, cumulant 27 millions de visiteurs en 2011, permettant au plus grand nombre de profiter des oeuvres d'art.

 

IV. Du musée au supermarché, de la culture à la consommation.

 

A°) La société de consommation.

 

L'émergence de la société de la consommation, avec son cortège de publicité, de nouveaux objets et de supermarchés a pronfondément marqué les comportements des citoyens et la cultur occidentale. Comme l'avait noté le sociologue Jean Baudrillard, dans La société de consommation, l'acte de consommation ne répond pas à des besoins, mais à un désir, pour les individus, de se différencier.

Guy Debord, dans La société du spectacle, parlait de la marchandise comme d'un "produit total" et stigmatisait notre aliénation aux produits, à ces objets qui se multiplient et qui rendent cette consommation si séduisante.

 

b°) Culture consumériste, marchandise artistique.

 

La société de consommation va profondément impacter la culture contemporaine par son esthétique et son mode de production. Nous allons assister à un double mouvement : d'une part, l'art qui va s'accaparer les objets de consommation, d'autre part, ces mêmes marchandises qui vont entrer dans les musées.

C'est Stuart Davis, formé à l'Ash Can School de Robert Henri qui, le premier, va immortaliser avec Lucky Strike

 

324px-Davis Stuart Lucky Strike 1921

 

une marque commerciale sur un tableau, relayé un peu plus tard par le Pop Art, qui fera de l'objet de consommation, un vecteur artistique, comme la Campbells Soup d'Andy Warhol.

 

Warhols campbell soup

 

Dans le sillage des Ready Made de Marcel Duchamp, la logique d'esthétisation de l'objet de consommation va s'épuiser dans Ale Cans, de Jasper Johns !

 

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Si les objets entrent dans les galeries et les musées, transcendant leur dimension fonctionnelle pour dégager leur puissance esthétique, l'art se démocratise, aussi, par le biais du design, en esthétisant les produits de consommation courants, comme le prêt-à-porter qui intègre des éléments de la haute-couture.

La forme suit la fonction, selon la formule de Louis Sullivan, sera repris par le Bauhaus, promoteur d'un art de masse s'inscrivant dans les objets de la vie quotidienne. Le Beau institutionnel a aussi envahi l'univers de la consommation, la forme de certaines voitures restant cultissime, comme la DS Citroën ou certaines voitures de sport.

La société de consommation est aussi une machine à recycler les modes et les mouvements politiques et sociaux, comme ce Che, féroce anticapitaliste, qui orne, désormais, des T-Shirts et autre grille-pain.

 

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La forme au détriment du fond, serait aussi une antienne du design et des arts décoratifs, qui noient le consommateur sous une pluie d'images, neutralisant tout discours hétérodoxe.

 

C°) La TV et le cinéma, cheval de Troie de l'impérialisme culturel américain ?

 

La promotion de la société de consommation et de l'American Way of Life se sont faites par l'intermédiaire du cinéma et des séries TV américaines, générant une "colonisation" des esprits selon des schémas culturels étatsuniens. Juste après la guerre, en 1946, les accords Blum-Byrnes ouvrent la France au cinéma américain qui va envahir les grands écrans hexagonaux. Par le biais du cinéma, puis des séries TV, le mode de vie étatsuniens va impacter les habitudes européennes, ancrant ces dernières dans une culture libérale et consumériste. Le cinéma américain sera tellement pregnant, que certains genres typiquement US, comme le western, dont John Wayne fut un héros récurrent, 

 

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furent repris par des cinéastes européens, notamment en Italie, avec le western spaghetti ! Un film comme Il était une fois dans l'Ouest, de Sergio Leone, resta plusieurs années à l'affiche dans une salle parisienne, et rendit célèbre le cinéaste italien, qui revisitera l'histoire américaine avec Il était une fois la révolution et Il était une fois en Amérique, illustrant bien l'influence de la culture étatsuniennes sur l'Europe d'après-guerre.

Les séries TV US contribuent aussi à populariser la culture américaine dans le monde entier et la multiplication des chaînes, noie le téléspectateur dans un continuum d'images infini. Les programmes de divertissement deviennent la norme et détournent (divertir vient du latin "divertere" qui signifie "détourner")  le citoyen des vrais problèmes.

 

Certaines civilisations comme l'arabo-musulmane, résistent à cet impérialisme culturel américain, qui bouleverse les traditions et les valeurs de ces pays. 

 

D°) Les supermarchés, cathédrales de la consommation.

 

Faire du shopping devient une activité courante, dans des centres commerciaux de plus en plus vastes qui attirent de vrais acheteurs et des badauds, parfois sans le sou, qui viennent participer à cette fête de la consommation, avec les yeux. Des magasins discount vendent des babioles à des prix bon marché, pour que tout le monde s'intègre à ce consumérisme effréné et souvent absurde et participe à la grande fête consumériste comme l'illustre Duane Hanson, avec des oeuvres qui stigmatisent ces pratiques, comme Supermarket Lady.

 

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Chez l'individu, le consommateur prend le dessus sur le citoyen.

 

V°) La révolution internet, vers une culture mondialisée.

 

A°) La galaxie internet.

 

L'invention de la toile va impacter la société comme le fit l'invention de l'imprimerie de Guttenberg ou l'irruption de la télévision. Internet démocratise l'accès au savoir et rend la formule de Mc Luhan, "le village mondial" efficiente.

La chanson de Psy, un chanteur sud-coréen, est devenu mondialement connue grâce à You Tube.

Internet remet en cause la toute puissance des médias traditionnels, qui s'interposaient entre le citoyen et la réalité par la médiation des journalistes. Désormais, l'accès à un média de masse peut se faire à un prix dérisoire et le phénomène des blogs a pris une ampleur sans précédent, avec environ 10 millions de blogs aujourd'hui, en France. Les sites et les blogs sur internet court-circuitent la médiation journalistique et libèrent la parole venant de la France d'en-bas.

Les jeux vidéos réunissent aussi des millions de joueurs à travers le monde, créant une interactivité passionnante mais très addictive, qui plonge le joueur dans un monde merveilleusement universel mais virtuel. Ces jeux vidéos sont un peu le nouvel "opium du peuple", 10 fois plus hypnotisant que cette vieille télévision !

 

B°) Des capitales mondialisées.

 

Dans les villes, une culture uniformisée se met en place, avec, par exemple, une worldfood que l'on retrouve dans toutes les capitales, du hamburger au kebab en passant par le sushi.

La mode se diffuse de partout, comme le sportwear qui, au travers de l'image de quelques stars mondiales, comme Michael Jordan, marque les habitudes vestimentaires de millions de gens. 

Les nouvelles technologies nomades sont des adjuvants universels, initiant de nouvelles manières de communiquer.

 


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21 octobre 2012 7 21 /10 /octobre /2012 06:12

Pour la première fois, en 2007, selon la Banque Mondiale, le nombre de citadins a dépassé le nombre de ruraux, faisant de l'espace urbain, le lieu d'habitation majortaire des terriens. Cette urbanisation est encore plus prégnante dans les pays développés, où les 2/3 de la population vivent dans les villes.

Mais si la ville est aujourd'hui un paysage familier, si la norme est d'être un urbain, ce ne fut pas le cas avant le 19eme siècle, où les ruraux étaient majoritaires.

Toutefois, l'urbanisation est un phénomène très ancien, qui est apparue à la fin de l'ère néolithique, où l'apparition de l'agriculture a sédentarisé les chasseurs-cueilleurs nomades qui sont devenus des agriculteurs attachés à leur terre. La première cité connue, Uruk, est apparue en Mésopotamie, au cours du IVeme millénaire avant J-C, et c'est dans cette région que vers -3000 avant J-C, l'écriture a fait son apparition, sortant l'histoire des âges sombres de la préhistoire pour la projeter dans l'Antiquité.

Mais si les termes "cité" et "civilisation" sont étymologiquement liés par la racine latine "civitas", qui lie la ville à la citoyenneté et à l'épanouissement de la technique et des arts, l'espace urbain est aussi perçu comme un lieu plein de noirceur, où le crime et la corruption peuvent régner, comme dans les récits bibliques sur Babylone, où la concentration des populations peut générer des révoltes et des révolutions, mettant en péril l'ordre établi, transformant l'espace habité en "enfer urbain", comme certaines mégalopoles actuelles, rongées par la délinquance et la pollution en donnent le triste exemple.

C'est cette dimension janusienne de la ville que nous allons traîter, de la ville lumière à la sombre cité,  en suivant une trame chronologique, de la cité antique, dans laquelle s'épanouira la civilisation, aux mégapoles actuelles.

 

I°) La ville, creuset des civilisations ?


L'apparition de la ville est concomitante à l'invention de l'écriture, et il est fort probable que la première ait enfanté la seconde, faisant de l'espace urbain le lieu où s'épanouira la civilisation. Il n'en reste pas moins que dès son origine, la ville inspire aussi de la crainte, par son pouvoir de corruption des âmes, notamment dans le récit biblique.


a°) La cité biblique.

 

Dans le récit biblique, c'est Caïn, l'agriculteur, qui tua son nomade de frère, Abel, condamné par Dieu à l'errance pour son crime, il créa la première ville, dans le pays de Nod, le pays de l'errance, baptisée Hénoch, qui signifie le "commencement".

C'est dans cette nouvelle ville, que naîtra l'artisanat du métal, avec Tubalcaïn, mais aussi l'art, avec le joueur de flûte, Youbal.

Dès l'origine, la ville est associée au travail agricole ou artisanal et à la création artistique, fonction laborieuse et culturelle qui sont toujours d'actualité.

Mais dans la geste biblique, la ville peut prendre des atours plus diaboliques, puisqu'abritant des créatures pêcheresses, comme à Sodome et Gomohrre, détruites par le feu divin.

 

b°) Uruk, la première ville connue.

 

Uruk est la cité la plus ancienne que nous connaissons, dans le sud de l'Irak, sur les bords de l'Euphrate, apparue au cours du IVeme millénaire avant J-C. Elle est le fruit de la révolution néolithique qui vit l'homme domestiquer les plantes et créer l'agriculture, qui attacha le paysan à sa terre, sédentarisation des hommes qui contrastait avec le nomade chasseur-cueilleur. On retrouve d'ailleurs cette opposition sédentaire/nomade dans le récit biblique, avec Caïn, l'agriculteur, qui tua son frère, Abel, l'éleveur.

C'est ici que fut crée l'écriture dite cunéiforme, en -3000 avant J-C, ligne de partage entre la préhistoire et l'Antiquité, preuve que la civilisation urbaine naissante était propice à l'épanouissement d'une civilisation de l'écrit.

 

c°) La beauté vénéneuse de Babylone.

 


C'est la ville de Babylone, créée dès le IIeme millénaire avant J-C, qui connaîtra son "âge d'or" à l'époque de Nabuchodonosor II, au 6eme siècle avant J-C, avec ses mythiques jardins suspendus, décrits par les auteurs grecs, mais qui sera vilipendée par le récit biblique, puisque la Génèse y situe la célèbre Tour de Babel, symbole de l'orgueil des hommes, 

 

babel tour tower

(La Tour de Babel, de Pieter Brueghel l'Ancien, 1563)

 

paradigme de la corruption, antre de Lucifer, dans la tradition chrétienne.

On retrouve ici la vision païenne, gréco-romaine de l'espace urbain, lieu de la citoyenneté et de l'épanouissement de la civilisation, alors que la perception judéo-chrétienne fait de la cité un espace corrompu (Sodome et Gomohrre ou Babylone) où les hommes se perdent et qui ne pourra jamais être à l'image de la perfection de la cité céleste, chère à Saint-Augustin. La ville symobolise l'orgeuil des hommes face à Dieu, puisqu'elle signifie, implicitement, l'émergence d'un espace autonome où les hommes se géreront eux-mêmes. (On peut lire l'essai de Jacques Ellul, Sans feu, ni lieu, sur l'interprétation biblique de la ville).

 

 

d°) La cité grecque et romaine, creuset de la citoyenneté et de la civilisation.

 

La guerre de Troie, narrée par Homère dans L'Iliade, qui est indirectement liée à la naissance de Rome, a profondément marqué l'imaginaire occidental. Mi-réelle, mi-légendaire, ce siège de la cité de Troie, en Asie Mineure, par une coalition d'achéens, donne une image militaire des cités de l'époque, protégées par leurs épaisses murailles.

Les "cités-Etats" grecques, la "polis", associe intimement, l'urbanité à la citoyenneté et est composée d'hommes libres et autonomes qui ont décidé de vivre ensemble en se soumettant à la loi de la cité. La statut de citoyen vivant dans la "polis", distingue le monde grec civilisé du barbare. La loi est tellement importante pour les citoyens grecs, que Socrate refusa de s'enfuir pour éviter la peine capitale et préféra accepter le verdict de ses juges en buvant la cigüe. Même si la cité grecque excluait de son fonctionnement politique les femmes et les esclaves, il n'en reste pas moins que c'est dans cet espace, notamment à Athènes, qu'une nouvelle organisation politique vit le jour, la démocratie, et que l'esprit philosophique naquit, dans l'Académie platonicienne ou le Lycée aristotélicien. La cité grecque fut avant tout le lieu de la modernité politique, autour de l'agora et de l'apprentissage du savoir.

La "civitas" latine reprit l'héritage de la "polis" grecque, puisque le terme désignait autant la "citoyenneté" que la "civilisation".  La cité romaine était donc, comme chez les grecs, la limite entre le monde civilisé et la barbarie, frontière tracée par la charrue de Romulus, fondateur de Rome, en -753 avant J-C, délimitant cet espace quasi-sacré, franchi par Remus, qui paya ce blasphème par la mort. 

La Rome impériale sera pendant 5 siècles, le berceau de la puissance, concentrant les attributs du pouvoir, qui se déclinait dans des ouvrages monumentaux, comme le Colisée

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(source:wikipedia)

 


les arcs de triomphe de Vespasien et de Titus, les marchés de Trajan, ou les superbes thermes de Caracalla, sans oublier le forum, haut lieu du pouvoir politique. La civilisation urbaine romaine parsèmera tout l'Empire, et ses marques sont encore présentes aujourd'hui, en Provence, avec les arènes d'Arles et de Nîmes, le théâtre antique d'Orange, comme dans toutes les anciennes provinces impériales.

La chute de Rome en 476 après J-C, emportée par la fureur des barbares, sera la revanche de ces nomades guerriers, contre la sédentaire civilisation romaine.

Seule Constantinople, capitale de l'Empire romain d'Orient, survivra avec magnificence, jusqu'à sa chute, en 1453, contre les turcs ottomans. La cité de Constantin gardera les oripeaux de la puissance impériale, qui s'inscriront dans la Basilique Sainte-Sophie, érigée dès 532, par l'architecte et mathématicien, Isidore de Milet,  sur l'ordre de l'empereur Justinien le Grand, prodige de l'architecture de l'époque, avec sa monumentale coupole. Près de 10 siècles plus tard, Mehmet II, le sultan ottoman, la transformera en mosquée, 

 


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uniquement surpassée par la Mosquée Bleue, deux siècles plus tard, dans un face à face muet et séculaire,

 


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faisant de l'actuelle Istanbul, une ville-monde, passerelle entre l'Orient et l'Occident, l'Europe et l'Asie, baingée par les eaux du Bosphore, attestant que la ville est un haut lieu de religiosité.

 

e°) Les fonctions traditionnelles de la ville.

 

L'espace urbain que ça soit en Mésopotamie, en Grèce ou à Rome concentrent certaines fonctions immuables que l'on retrouvera dans toutes les aires géographiques et à toutes les époques. On peut donc parler de :

- fonctions politique, administrative et juridique, puisque c'est dans la ville que siège le pouvoir politique et judiciaire.

- de fonctions commerciale et  financière, puisque c'est dans la cité que marchands et banquiers se livrent à leur commerce.

- de fonctions éducative et sanitaire, puisque c'est dans la ville que se développe écoles et hôpitaux.

 - de fonctions culturelles et de divertissement, qui vont du musée aux salles de spectacles.

II. La ville au Moyen-Age: déclin et renouveau.

 

a°) Les royaumes barbares et le déclin citadin.

 


La fin de Rome, en 476 après Jésus-Christ ne fut que le point final à une longue agonie et promut ces nomades de barbares par rapport aux sédentaires et urbains romains. L'Empire éclata sous l'effet des forces centrifuges et les villes se dépeuplèrent, laissant les ouvrages d'art non entretenus. La logique barbare était plus nomade que sédentaire, et les vagues successives de tribus généraient un grand désordre.

Les francs mérovingiens puis carolingiens étaient avant tout des guerriers, et le centre du pouvoir se déplaça des villes vers les châteaux-forts, forteresses militaires gérant des fiefs, matrice de la future féodalité. 

Le commerce se déplaça dans les abbayes et monastères bénédictins puis cisterciens, où les moines bâtisseurs, suivant la règle de Saint-Benoît, se servaient du travail manuel comme un labeur rédempteur. C'est le temps des abbayes de Cluny, fondée en 908 ou de Cîteaux, créée en 1098, avec leurs moines qui défrichent et mettent en valeur le territoire, devenant de véritables petits entrepreneurs.

 

b°) La révolution communale et l'essor urbain.

 

Juste après l'an mil, l'essor démographique et le lent enrichissement va entraîner un essor urbain. Connu sous le nom de "révolution communale", elle se caractérise par l'essor de certaines villes du coeur de l'Europe, comme en Champagne, où ont lieu des foires très actives, lieux d'échanges commerciaux qui enrichissent une classe de commerçants. 

Il n'est d'ailleurs par étonnant que certains ordres religieux, comme les dominicains, loin de s'éloigner des villes, comme le firent les bénédictins et les cisterciens, éloignement qui illustrait la méfiance des chrétiens envers la corruption citadine, reviennent au coeur des villes, en ce XIIIeme siècle, pour prêcher la bonne parole !

C'est dans cette ville "nouvelle" que vont d'ailleurs s'épanouir des universités médiévales, à Chartres, Paris ou Oxford,  lieu d'enseignement du savoir scientifique où trône la nouvelle figure de l'intellectuel, comme l'aura précisé Jacques Le Goff, dans Les intellectuels au Moyen-Age.

Dans la péninsule italienne  des cités maritimes comme Gênes ou Venise se font une spécialité du commerce au long cours, en Méditerranée, interfaces entre l'Orient et l'Occident, s'enrichissant de manière exponentielle et agrémentant leurs cités, de superbes palais, comme le palais des Doges, à Venise, édifié à partir de 1340, jouxtant la piazza san marco et immortalisé par les peintures d'un Gentile Bellini, qui se fit le témoin privilégié de la magnificence vénitienne.

 

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(Procession sur la place saint-Marc de Gentile Bellini, 1496).

 


En Allemagne du Nord, autour de la mer Baltique, de nombreuses cités sont créées à la fin du XIIeme siècle, comme Lübeck, Rostock et, rapidement, une association de marchands nommée la Hanse,  va se créer entre les différentes cités teutonnes, dès le milieu du XIIIeme, pour déboucher sur une Ligue des villes hanséatiques très puissante, qui accouchera d'une nouvelle bourgeoisie marchande.

 


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(Hans Holbein, "Hans-Georg Gisze, Marchand allemand à Londres", 1532)


En Flandres aussi, une cité comme Bruges connaîtra un essor sans précédent, avec ses draperies et sera même acceptée, comme Londres, dans la ligue hanséatique. Elle sera invesite par les marchands vénitiens, au début du XIVeme siècle, comme les Epoux Arnolfini, immortalisés par Jan Van Eyck, en 1432, témoin, en cette occasion, de l'émergence d'une bourgeoisie marchande dans les cités de la fin du Moyen-Age.

 

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(Source:wikipedia)

 

Cette montée en puissance de cette bourgeoisie urbaine, sera symbolisé par le défi qu'Etienne Marcel, prévôt des marchands de Paris,  lancera au dauphin Charles, le 22 février 1358, signifiant la puissance de la nouvelle classe bourgeoise naissante. Certains y verront les prodromes de la Révolution française !

L'image du noble chevalier reclu dans son château laissera sa place au bourgeois, marchand ou banquier, comme le peindra Quentin Metsys, en 1514,

 

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(Le banquier et sa femme, de Quentin Metsys, 1514)

 

 

 qui peupleront les villes comme un Jacques Coeur, à Bourges, qui fit construire un palais très en avance sur son temps. 

Les rois de France alors en campagne en Italie, seront fascinés par cet essor de la civilisaion urbaine, dans la péninsule, éblouis par les palais florentins des Médicis ou des Ricardi, par le Duomo de Brunelleschi, par le Sfumato de Léonard de Vinci, qui finira sa vie au Clos-Lucé, à Amboise, invité par François Ier. Ces rois de France  toujours aussi nomades, d'ailleurs, allant de chateaux en palais, le long de la Loire, avec le vainqueur de Marignan qui fait édifier un immense château renaissance, à Chambord, loin des cités bourgeoises, vieux réflexe nobiliaire attaché à la terre et à la chasse !

Alors que les palais italiens s'inscrivent dans le tissu urbain, et qu'Alberti redonne ses lettres de noblesses à l'architecture, dans son Art d'édifier (1450) ,les châteaux français s'en vont toujours à la campagne, signe que les temps ont du mal à changer, dans le royaume de France, et qu'il faudra attendre Henri IV, pour que la royauté se fixe définitivement à Paris.

 

III.La ville aux deux visages.

 


Après la chute de Constantinople, en 1453, le commerce méditerranéen va être interrompu sous la pression des turcs ottomans, affaiblissant les cités italiennes et déplaçant le centre marchand de l'Europe vers les Flandres et la Hollande. La découverte de l'Amérique, en 1492,  ne fera qu'accélérer ce phénomène de translation vers le nord de l'Europe, la commerce méditerranéen étant surpassée par le commerce atlantique.

 


a°) La ville, creuset du capitalisme.

 


C'est dans les Provinces Unies, à Amsterdam puis à Londres, que vont se développer les prémices d'un capitalisme moderne, sous la houlette de puissantes compagnies commerciales, comme la compagnie des Indes Orientales, créée en 1602, et qui fut la première société anonyme de l'histoire. Le port d'Amsterdam connaîtra son âge d'or au XVIIeme siècle, au niveau commercial mais aussi artistique, avec l'école des peintres néerlandais qui sera portée au zénith par Rembrandt et Vermeer. La dynamique urbaine s'inscrit aussi sur les toiles, comme ce Grand marché de Haarlem, de Gerrit Berckheyde, en 1696, qui nous dévoile l'architecture batave.

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Amsterdam deviendra, en ce siècle, la capitale du commerce et de la finance mondiale, surpassée un siècle plus tard par la thalassocratie britannique et Londres, ville la plus peuplée du monde, au 19eme siècle.

Alors que la civilisation marchande anglo-saxonne s'inscrit dans le tissu urbain, Louis XIV déplace le centre du pouvoir à Versailles, en-dehors de Paris, comme si le roi-soleil ne voulait voir ce Paris bourgeois et retrouver l'habitude des Valois qui préféraient les châteaux de la Loire à la capitale !

 

b°) La ville et les classes dangereuses.

 

Mais l'essor urbain amène son cortège de problèmes. La ville étouffe dans sa gangue médiévale, enserrée dans ses antiques remparts, et les populations s'entassent dans des espaces réduits et insalubres.  Au 17eme siècle, les vagabonds, mendiants et autres voleurs trouvent asile au coeur de la ville, dans les cours des miracles, décrites par Ollivier Chereau, en 1630, dans son livre "le jargon, le langage de l'argot déformé" où l'auteur narrait la vie des mendiants qui élisaient le roi des Argotiers, qui mandait à tous les gueux du royaume. Victor Hugo s'inspira de ce livre pour Notre dame de Paris.

En 1667, Louis XIV manda à Nicolas de La Reynie d'éradiquer ces zones de non-droits. Malgré de nombreuses arrestations qui enverront des milliers de gueux aux galères, marqués au fer rouge, la répression ne pourra endiguer ce fléau social. Il restera de l'action de La Reynie un éclairage public qui éclairait les rues sombres avec des lanternes.

C'est en 1840 que sera établi le lien entre les classes laborieuses et les classes dangereuses avec le livre de Frégier, Des classes dangereuses de la population dans les grandes villes.

Eugène Sue nous narrera les bas-fonds parisiens dans ses Mystères de Paris, décrivant les ouvriers miséreux comme des "barbares aussi en dehors de la civilisation que les sauvages peuplades si bien peintes par Cooper" et Jack l'Eventreur terrorisera les quartiers populaires de l'East End, à Londres, dont Jack London décrira la misère, dans Le peuple de l'abîme.

 

c°) La révolution au coeur des villes.

 

La révolution française dont Paris avait été le phare, avait démontré que les populations urbaines pouvaient être dangereuses pour les pouvoirs constitués. L'émergence d'une classe ouvrière au coeur des villes, au 19eme siècle,  va générer des révoltes et des mouvements révolutionnaires, comme celui des canuts lyonnais, en 1831, juste après les journées de Juillet 1830 qui avaient emporté, une nouvelle fois, les Bourbons.

En 1848, ça sera le Printemps des Peuples qui enflammera les capitales européennes et sera fatal à Louis-Philippe, mais c'est surtout la Commune de Paris, en 1871.

Le percement de grands boulevards, sous le 2nd Empire, répond aussi à des exigences de sécurité publique, permettant aux forces de police voire à l'armée d'intervenir plus aisément dans les centres-villes.

 

d°) Croissance urbaine et ségrégation sociale.

 

L'apparition des transports en commun comme le train et l'exode rural vont générer une croissance urbaine inconnue jusqu'alors. Les villes vont se dilater vers les campagnes proches, sortant de leurs forteresses médiévales. Les banlieues vont naître, espace syncrétique, mi-ville, mi-campagne, n'ayant aucun des atouts des deux espaces. Cités dortoirs, pour la plupart, elles vont surtout accentuer la ségrégation sociale et la spécialisation de l'espace dans les villes. La cité médiévale, engoncée dans ses remparts, mélangeait les classes sociales et les activités économiques. La dilatation de l'espace urbain va ventiler les populations selon un critère financier et va se traduire par l'émergence de quartiers spécifiquement ouvriers, comme dans la ceinture parisienne et de quartiers aisés. 

L'activité industrielle, vecteur de pollution et de nuisances, va se déplacer vers la banlieue, laissant au centre des villes les activités de commerce et financière participant à la tertiarisation des centres-villes. 

 


e°) Vers la ville lumière.

 

L'afflux de population  vers les villes va obliger à une modification de l'espace urbain. Privilégiant les flux par rapport aux structures, voulant irriguer la ville par des grandes voies de communication, le Baron Haussmann va, sous le 2nd Empire, transformer Paris, en perçant des boulevards, ponctués par de vastes places, dont celle de l'Etoile. Mais à ce fonctionnalisme communicatif, va se conjuguer une approche esthétique non négligeable. A l'harmonisation des styles architecturaux, ce constructeur de Baron va parsemer la capitale d'ouvrages monumentaux comme l'Opéra Garnier et de nombreuses églises qui vont embellir la ville, faisant de l'espace urbain un musée à ciel ouvert. Il faut dire que l'idée de patrimoine faisait son chemin sous l'action de Viollet Le duc, qui restaurera les édifices médiévaux, comme Notre-Dame-de-Paris. Le renouveau religieux aura aussi ses représentants, à Montmartre, avec le Sacré-Coeur,

 

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à Lyon, avec Notre Dame de Fourvières ou encore à Marseille, avec la Basilique Notre-Dame-de-la-Garde, future bonne-mère, protectrice des marseillais.

 


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La Tour Eiffel, érigée en 1889, sera le point ultime de cette évolution vers la ville-musée et la verticalité, honorant le progrès exposé à l'Exposition universelle.

 

La ville se transforme aussi sous l'action de nouvelles infrastructures, comme les gares (la gare de Lyon), ou des salles de spectacle, comme l'Olympia, à Paris, en 1893 ou l'Alcazar à Marseille, sans compter  la création de nouveaux magasins comme  Le Bon Marché, "cathédrale de commerce pour un peuple de clients"comme l'écrira Emile Zola dans "Au bonheur des Dames", symbole de cette société de consommation en train de naître. 

Des espaces verts font aussi leur apparition, avec la constitution des grands parcs, comme le Bois de Boulogne à Paris (1852), Central Park à New-Tork (1857), qui répondent aux besoins de verdure des habitants.

L'éclairage public au gaz puis à l'électricité fait son apparition, en 1878 à Paris, faisant passer, littéralement, les villes de l'ombre à la lumière !

 

Conclusion:

 

Apparues en même temps que l'agriculture, en -3000 avant Jésus-Christ, elles furent intimement liées à l'activité économique  et au pouvoir politique, dès son origine. Chez les grecs et les romains, les termes "polis" et "civitas" étaient géographiques mais aussi politiques, puisque ils confondaient cité et citoyenneté. L'espace urbain sera donc le lieu privilégié de l'activité politique et sera le creuset du capitalisme naissant, à la fin du Moyen-Age, vecteur d'un décollage économique qui fera la suprématie de l'Occident. Au 19eme siècle, la croissance urbaine possible, grâce au progrès technique, va faire sortir la ville de son corset médiéval et va créer de nouvelles entités urbaines, les banlieues, modifiant les manières de vivre des citadins. Si la cité sera de nouveau, le lieu privilégié des arts et du progrès, avec ses Expositions Universelles et ses nouvelles verticalités, la ville nouvelle, de plus en plus dilatée, sera aussi l'espace de nouvelles ségrégations sociales, qui annonceront des lendemains qui déchantent.

 

Un QUIZZ sur la ville.

 

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